Rétrospective de l'exposition illustrée Ressentis communs & histoires singulières
Prenons le temps de revenir sur cette exposition illustrée toute en scénographie, qui pendant quelques semaines aura donné le temps de penser les blessures de la violence au cœur de l’attachement, du couple, de l’intime.
« Pourquoi ne parle-t-elle pas, pourquoi ne part-elle pas ? » sont des questions posées spontanément par des personnes extérieures, et avec inquiétude voire colère par les proches impuissants.
Pour y répondre, ma proposition est de partager de manière illustrée ce que j’ai entendu et compris en écoutant des femmes confrontées à des violences du quotidien. Des histoires singulières et des ressentis communs se rejoignent dans cet espace intime où la confusion et l’insécurité s’installent, où les pensées sont en boucle ou à l’arrêt.
C’est une invitation pour saisir ensemble la complexité de ce basculement décisif de poids : parler. Pour que chacun puisse aussi soutenir cette parole sans pour autant se placer en « sauveur ».
C’est aussi une nouvelle manière de m’adresser à toute personne confrontée à la violence conjugale.
Prendre le temps de démêler, de se dire à l’autre qui entend. Dire dans les situations de violences ne va pas de soi, mais prendre la parole c’est reprendre sa place.
« En dire quelque chose quelque part… C’est un risque, mais de ma place, j’observe que le prendre, c’est tirer un premier fil et commencer à défaire le huis clos. À son rythme… ».
Instagram : @caroline_from_rennes
Retours des femmes qui sont ou ont été confrontées à la violence conjugale :
Plusieurs femmes ont partagé le sentiment de se retrouver dans ces mots et histoires illustrés, l’impression qu’elles auraient pu écrire ces textes proches de leur vécu.
Certaines ont été très émues, voire étonnées d’être si émues puisque ne vivent plus ces violences dans le quotidien. Cela a permis d’ouvrir la discussion sur le fait de se rappeler pour peut-être ne pas revivre ces situations.
La légèreté de l’atmosphère apporte une forme d’élégance et redonne une dignité à ces femmes dont l’image est souvent dégradée, réduite à « être la victime de ».
Retours des professionnels :
Professionnels issus de la protection de l’enfance, des violences intrafamiliales et conjugales, psychologues, santé mentale, …
Une exposition sur ce sujet est rare, où l’angle d’approche est plutôt la photographie.
L’illustration est un autre médias à la fois plus distancié, abstrait et poétique, et donc s’adapte à différents lieux qu’ils soient dédiés à la prévention, comme aux espaces publics ordinaires.
Cette entrée sur les ressentis, la construction de l’emprise est intéressante pour la compréhension de personnes extérieures, et une retranscription juste des paroles de femmes accompagnées. Elle permet d’offrir des mots à celles qui ne les ont pas encore.
La variété des histoires montre aussi les possibles fils à tirer pour sortir de ce contexte, et évite de rester dans une forme d’impasse.
Ce travail issu d’expériences professionnelles motive aussi pour retourner sur le terrain et renforce la nécessité de « travailler ensemble ».
Retours des collégiens :
4 groupes de collégiens de 3ème sont venus voir l’exposition avec le soutien de leurs professeurs de
français et d’arts plastiques.
La première image de la violence conjugale pour ces adolescents est celle du mari qui bat sa femme. Les histoires, et les ressentis communs mettent en avant une autre violence et ouvre la discussion sur la relation amoureuse, la relation à l’autre de manière générale.
Le pouvoir des mots, la blessure des mots sont ici abordés.
N’étant pas encore, pour beaucoup, dans des relations amoureuses, ils font le parallèle avec la relation parent-enfant.
L’échange amène vers définir la violence et l’importance d’avoir des alliés : quel adultes sont fiables, vers qui se retourner en cas de difficulté rencontrée ?
Retours du public « non professionnels » :
Lycéens, militantes féministes, couples, retraités… certains se sont déplacés pour l’exposition, d’autres ont profité d’être au jeu de Paume pour une activité pour la visiter.
Les retours se rejoignent sur le décalage entre le rendu esthétique et le sujet de fond. La forme est étonnante, et certains visiteurs découvrent progressivement que le sujet de l’exposition est la violence conjugale. La douceur des traits ou de l’aquarelle a été attirante en 1er lieu, le sujet étant secondaire. Les tissus à l’écriture brodée offrent une atmosphère légère et une proximité avec ces histoires et vécus partagés. La violence est juste-là, dévoilée mais pas oppressante.
La complexité du sujet est repérée et évoquée ; certains se questionnent sur leurs comportements actuels ou à venir dans la relation amoureuse.
Quelques personnes habituées du lieu préfèrent découvrir, à leur rythme les éléments dans l’exposition, et font le choix de lire l’ensemble par séquence.
L’accès aux livrets, les feuilleter dans un fauteuil est appréciée car offre une certaine intimité tout en étant avec d’autres autour de soi et un confort pour accéder à un sujet douloureux.
Cette violence intime se partage : une jeune fille lit les textes à sa mère très émue, une autre à sa mère qui ne peut plus lire, des personnes qui ne se connaissent pas se les échangent et les commentent.
Sur le départ, certains ont besoin de parler de ce qu’ils ont ressenti, là où d’autres préfèrent rester dans ce moment à soi.